Jeux vidéo / Consoles + : Psycho-test de Moguri VS presse féminine : la réponse parodique du berger aux publications sexistes de la bergère

Nouvelles aventures fabuleuses et épiques au pays du sexisme dans la presse jeux vidéo.

Après l'accusation d' "apologie du viol" (environ passablement exagérée, si, quand même) portée contre l'article de Deez dans Joystick, voilà que le psycho-test de Moguri (publié dans le magazine Consoles +) s'attire les mêmes foudres féministes et est accusé d'être éhontément misogyne, affreusement sexiste, monstrueusement irrespectueux envers les gameuses, et les femmes.
Est-ce justifié ?

Et bien, je trouve que non. Une fois encore, une partie (pas toutes, rappelons-le quand même) des blogueuses féministes (et peut-être est-ce là le fond du problème, certaines sont meilleures blogueuses que féministes) se trompent de cible.

Depuis quelques temps donc, ça tire à vue (en visée automatique) sur le psycho-test de Moguri sur quelques blogs féministes, dans la presse (ici par exemple), sur Twitter, Facebook, et dans des commentaires publiés sur le net - comme par exemple celui-ci :

Commentaire publié sur l'article "apologie du viol" de Mar Lard

Et alors là, j'ai envie de dire : non.
Non, non, et non.

On ne peut pas laisser dire ça. 

En tant que fée, que femme, que féministe, qu'anti-sexiste, que gameuse (et ce ne sont là que les moindres de mes qualités, huhu) je ne peux pas laisser dire ça.

Mettre sur le même plan l'article maladroit / irresponsable de Deez dans Joystick et l'excellente parodie faite par Moguri des tests idiots qu'on trouve dans la presse féminine (particulièrement en été, entre deux articles vous intimant d'assumer vos rondeurs tout en vous donnant 14 pages de conseils pour les régimes ; schizophrénie quand tu nous tiens), c'est ridicule.

Autant l'article de Deez exprime son propre ressenti par rapport à un jeu vidéo - sur un mode graveleux et franchement maladroit faisant l'amalgame entre des pratiques sexuelles SM (où les gens sont consentants, je le rappelle) et les agressions sexuelles (où au moins une personne n'est pas consentante, je le rappelle aussi) ;
autant le psycho-test qu'a fait Moguri est une très bonne parodie de la presse féminine, qui n'est pas exempte de sexisme ni de simplifications ni de ridicule, et propage allègrement les pires clichés sur les femmes - et sur les hommes.

Oui, le psycho-test de Consoles + est composé de clichés : c'est l'évidence même, puisqu'il PARODIE les clichés et l'absurdité véhiculés dans les psycho-tests de magazines féminins.

Et quand je dis que c'est l'évidence même, c'est parce que tout le psycho-test de Consoles + est conçu dans ce sens : la mise en page, le choix des polices de caractère et leur couleur, l'incrustation des photos en illustration, les termes employés et le style rédactionnel, TOUT s'inspire des psycho-tests débiles qu'on trouve dans la presse féminine. Et s'en moque ouvertement.
(et à juste titre, d'ailleurs)

J'ajoute que le psycho-test de Consoles + prévient d'emblée qu'il ne faut pas prendre ce test au sérieux et que le ton est très second degré (à la différence de la presse féminine - ou de Joystick... - qui hélas ne s'encombrent pas de ce genre de précautions) :

"Découvre donc tout de suite ton profil de joueur ! Parce que tu n'en aurais jamais été capable tout seul ! Wouuh !" : si avec ce genre de phrase vous ne comprenez pas qu'il s'agit d'ironie, d'une parodie, je jette l'éponge : vous êtes irrécupérable et je ne peux rien pour vous.


Les autres, suivez-moi je vous prie, on continue la visite.


Se moquer de la presse féminine qui elle-même se moque des femmes, ce serait mal ? Mais de qui se moque-t-on ?

On reproche à Moguri les clichés à but parodique apparaissant dans son psycho-test : mais qu'en est-il des clichés véhiculés, et sans parodie ni ironie aucune, dans la presse féminine - dont il se moque justement ?
On reproche à Moguri de faire passer les filles pour des idiotes : mais qui, de la presse jeux vidéo ou de la presse féminine, prend vraiment les femmes pour des connes ?

Et si on se penchait plutôt un peu là-dessus ?
J'ai déjà lu dans les magazines Elle, Femme Actuelle, Biba, Glamour, 20 ans et compagnie des articles du genre : "Comprendre les hommes et leurs jeux vidéo" ; en quoi serait-ce moins choquant ou moins grave qu'un article publié dans la presse masculine intitulé "Comprendre les femmes et leurs séances de shopping", qui ne manquerait pas, lui, d'attirer l'ire de la foule militante et des médias, tandis que son équivalent dans la presse féminine intéresse si peu de monde ?
Et c'est là loin, très loin, d'être le seul cliché sexiste et message immonde ou débile véhiculé dans ce genre de presse : presse FÉMININE ne veut pas dire presse FÉMINISTE, loin s'en faut.

Un exemple tout chaud de cet été :

Vous avez bien lu : un article en Une du magazine Elle est intitulé "La pipe, ciment du couple !"

C'est pas paru en Une de Joystick, ça.

Et ça, c'est pas Moguri qui l'a écrit non plus.
Non non.

Tout ce merveilleux dossier nous a été concocté par Catherine Roig. Une femme, donc. Dans un magazine féminin qui a pignon sur rue. Charmant.


Morceaux choisis / Choses moisies :

* Les femmes pensent trop souvent que, après des siècles de disponibilité féminine, les hommes n’ont plus le droit de demander quoi que ce soit au lit. C’est injuste. Le fait de ne pas se sentir aimé dans son inimité peut frustrer un homme profondément.

* « Je n’imagine même pas, quand je rencontre une fille, qu’elle puisse me refuser ça ! » s’exclame Julien, célibataire de 26 ans. « D’ailleurs, la plupart du temps, elles descendent toutes seules, pas besoin de demander »

* Face à la fellation, les femmes se divisent en trois groupes : les plus nombreuses sont celles que cela ne dérange “pas trop”, qui pratiquent la fellation sans conviction mais avec générosité, pour répondre au désir de leur partenaire. 

Le guide pour une sexualité féminine consentie, libre et épanouie...

* Élise, 30 ans, a inventé la « suçothérapie » pour sauver son mariage

Fichtre, MacGyver n'a qu'à bien se tenir.

* « Après la naissance de notre deuxième enfant, j’ai senti que Philippe s’éloignait, il se demandait s’il m’aimait encore, si l’on devait rester ensemble ou pas. J’ai eu l’idée de lui faire une fellation tous les deux jours pendant deux mois, entre 9 et 10 heures du soir. Je m’y suis tenue méthodiquement. Un homme refusant rarement ce genre de proposition, ça a marché. » 

Le tome 2 du guide pour une sexualité féminine consentie, libre et épanouie. Qui est aussi le tome 1 du guide des clichés sur les hommes, ces bites sur pattes qui ne refusent jamais une bonne pipe. Sauf quand c'est un enfant qui la propose, évidemment. Quoi que : puisque c'est offert de bonne grâce... pi ce serait malpoli de refuser.

* « Une bonne pipe, c’est très efficace en phase de négociations, quand je veux le faire céder sur la couleur d’un papier peint ou sur le lieu de nos futures vacances », avoue Adèle, 39 ans.

* D’autres, pas si rares, souffrant souvent d’immaturité psychoaffective, ne peuvent même pas envisager le contact de leur bouche avec un pénis

* et quelques-unes s’en donnent à cœur joie, tout simplement parce qu’elles adorent jouer de la «flûte enchantée»

La classe.

Quant à la phrase de conclusion de cet article, elle n'appelle qu'un seul commentaire : le meilleur ami du machiste et du misogyne, c'est la femme. Ou en tout cas les "journalistes" de Elle :

* on sait très bien que les filles de « Sex and the City » ont raison quand elles déclarent, d’un air entendu : « O.K., quand on les suce, on est à genoux. Mais, en même temps, on les tient par les couilles. » Tant de sagesse force le respect.

Ou pas.

Et non, je n'invente rien : tout est là, et ici, et là, et encore ici, et par là, et ouf enfin ça finit ici.
VOILÀ le type de magazines féminins dont Moguri s'est moqué en faisant une parodie de psycho-test.
Et on devrait lui en vouloir ?


Analyse

Revenons-en à nos moutons nos fellations.

"La pipe, ciment du couple !" en Une du magazine Elle.
D'emblée, ça commence bien : "les filles, si vous ne sucez pas, n'espérez pas trouver le prince charmant, vous marier et avoir de nombreux enfants" (ce qui est, à l'évidence, le rêve et la destinée de toute femme).

Quand on lit l'article, c'est encore mieux : témoignages à l'appui, on explique aux lectrices de ce magazine que si elles sont trop fatiguées ou pas motivées pour faire l'amour, il faut quand même faire l'effort de sucer son homme pour le soulager, le pauvre.
On a donc des femmes qui expliquent à d'autres femmes que quand on est une femme (une vraie, une femme Barbara Gourde) il faut avoir des rapports sexuels (oui oui, la fellation est un rapport sexuel, n'en déplaise à Bill Clinton) avec son prince charmant, même si on n'en a pas envie.
Quel judicieux conseil.

Et tout ça dans le but de : sauver son couple.
Car comme chacun sait, être en couple est une finalité en soi, l'aboutissement ultime de l'épanouissement personnel.
Surtout !, surtout si on est une femme en couple avec un connard qui n'est pas foutu de respecter le non-désir de sa compagne, et exige sa pipe comme un dû.

Je ne vous parle pas (ah ben si, allez) de ces trouzemille autres articles qui foisonnent dans la presse féminine, basés sur la culpabilisation et la "pathologisation" du non-désir féminin.

Tu n'as pas envie de coucher avec ton partenaire ?
Tu n'éprouves pas de désir en ce moment ?
Vous ne faites pas l'amour minimum deux fois par semaine (la norme officielle, chiffres à l'appui : soumettez-vous à la majorité, bon sang ! soyez démocrates !) ou mieux : deux fois par jour ? (la norme fantasmée, témoignages à la clé ; on ne remerciera jamais assez les journalistes de terrain qui officient dans ces magazines)
MAIS TU AS SÛREMENT UN PROBLÈME ma pauvre !

Vite vite, convoquons un cortège d'experts autoproclamés en tous genres pour nous expliquer ce phénomène...

Un neurologue ou un biologiste nous expliquera que le cerveau des femmes est différent de celui des hommes (études vieilles de 50 ans et de nombreuses fois contredites à l'appui...) et que ceci explique "bien évidemment" cela.
Bien évidemment... ou pas : à propos, lisez cet excellent article "Ces études à la con qui nous prennent pour des connes"

Un psychiatre, un médecin et un gynéco nous feront la liste des troubles médicaux qui mettent à mal la libido ; mesdames, peut-être êtes-vous malades sans le savoir...

Un psychanalyste ne manquera pas de nous rappeler que l'absence de désir de madame - qui est nécessairement, fatalement un trouble hein - est sûrement dû à un complexe d'Œdipe mal géré, voire à des traumatismes infantiles refoulés (ces mères distantes et ces pères alcooliques libidineux, la plaie).

Quant au manque de désir des hommes, ça n'existe pas.
Bon, les rares fois où ça existe (mais ne le répétez pas surtout, c'est une info confidentielle), c'est uniquement parce que monsieur est trop fatigué par le travail. Ou trop préoccupé par l'achat prochain de la maison familiale.
Bref, l'absence de désir de monsieur est légitime, et passagère.
Tandis que l'absence de désir de madame est pathologique et chronique.


Et tout ça mis bout à bout... honnêtement : c'est infiniment plus trash que le trailer de Tomb Raider et l'article publié dans Joystick réunis. En coffret collector avec l'intégrale des Grosses Têtes.


Quant au psycho-test paru dans Console +

Je le comprends, et il ne peut être honnêtement compris, que comme une parodie - vraiment bienvenue - de cette presse féminine odieuse et ridicule.
Ce psycho-test ne manque pas non plus de faire référence à d'autres clichés, notamment le célèbre "Les jeux vidéo c'est dangereeeeeuux ! Ça rend nos pitits enfants innocents violents, meurtriers, violeurs, et en retard à table" (le profil "Sociopathe").
Sans oublier le geek qui fuit la réalité dans ses bouquins SF et ses RPG (profil "Rêveur"), et l'éternel ado immature passablement drogué (profil "Crackhead").
Bref, tout le monde en prend pour son grade ^^

D'autre part, contrairement à ce que certaines et certains ont affirmé, rien n'empêche des femmes de faire le test et se reconnaitre dans d'autres profils que dans celui "féminin".

Enfin, de soi-disant féministes ont été choquées par ce psycho-test ? Tartufferie. Il y a chaque semaine en kiosque de quoi être éminemment plus choquées. Pourtant, silence radio de nos blogueuses féministes à ce sujet. De deux maux, il faut combattre le moindre... (ben oui, ça fatigue moins).

Extrait du billet d'Odieux Connard "Test de l'été : quelle femme des sables êtes-vous ?"

N'en déplaise aux raccourcis intellectuellement indigents si (trop) souvent relayés, la plus mauvaise soupe sexiste ne nous est pas toujours servie par des hommes machistes et libidineux, mais aussi par des femmes : nos mères, nos copines, nos "journalistes" de presse féminine. Voire nos féministes.


Et puis, et c'est là peut-être le plus important : le psycho-test de Moguri m'a fait rire.
Infiniment plus que les magazines qu'il parodie, en tous cas.

Et je ne suis pas la seule.

Post-Scriptum
Ah au fait, je l'ai fait le psycho-test de Moguri : je suis ex æquo Rêveuse et Sociopathe XD



Merde, il marche vraiment son test o_O


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"Parodies et caricatures sont les plus pénétrantes des critiques."Aldous Huxley