lundi 2 juillet 2012

Ça s'en va et ça revient... une histoire de tramway, et de gâchis

"Ça s'en va et ça revient, c'est fait de plein de temps et d'argent gaspillés pour rien..." aurait pu chanter Cloclo à propos des tramways.
Car les tramways c'est super bien, mais on ne peut pas en dire autant des politiques de transport public qui les ont mis en place, puis fait disparaitre, puis fait remettre en place...

J'adore les tramways. Enfin pas tous... j'aime les tramways modernes à plancher bas. Pour la simple et bonne raison que les tramways (à plancher bas) sont LES SEULS transports publics accessibles aux fauteuils roulants. 
Certains diraient que mon avis est partial, parce que je suis en fauteuil roulant justement. 
Oooooh, les mauvaises langues. Mon avis sur les tramways n'est pas plus partial que l'avis des riches soutenant les plans d'austérité, que l'avis d'Areva sur l'énergie nucléaire, que le soutien de Sarkozy à son fils pour la présidence de l'EPAD, ou que l'avis de Valérie Trierweiler sur le second tour des élections législatives de La Rochelle.

J'ai un avis tout aussi "impartial" sur les autres modes de transport public : le bus, le train, le métro, le RER, c'est de la merde. Un transport public qui n'est pas adapté aux fauteuils roulants, aux poussettes, etc... bref un transport public qui n'est pas adapté au public, je n'en vois pas l'intérêt.

Tout comme je ne vois pas l'intérêt d'avoir développé le tramway dès la moitié du 19ème siècle, pour ensuite le détruire, et pour finalement le remettre sur rails. Parce que figurez-vous que développer le tramway ça a coûté des sous, abandonner le tramway (et donc désinstaller tout ce qui avait été installé, les rails etc) ça a coûté des sous, et bien sûr : re-développer le tramway ça coûte aussi des sous.
Alors tant qu'à faire, on aurait pu éviter de perdre de l'argent, et du temps, en laissant en place le réseau de tramway qui existait déjà et en l'améliorant.

Mais noooooon, c'eut été trop simple... Mieux vaut s'adonner au "présentisme" qu'à des visions à long terme, et mieux valait donc abandonner le tramway et défigurer les villes pour les adapter aux voitures et aux autres transports en commun (eux-mêmes adaptés à personne), pour finalement se rendre compte à peine 30 ans plus tard que c'était une grossière erreur et faire machine arrière.
Ben voyons.

Voyez-vous, c'est tout à fait le genre de manie des humains qui m'horripile : inventer une chose utile, et la mettre au rebut. Le tramway, le code Morse, le Minitel... aux oubliettes. Comme si les humains et leur légendaire capacité de destruction pouvaient s'offrir le luxe de jeter à la poubelle les rares bonnes idées qu'ils ont. Non mais j'vous jure.

Bref...
Retour sur l'histoire du tramway, ce fabuleux transport public très beaucoup bien alors que les autres transports en commun ils sont très beaucoup nuls.
(et mon avis sur ce sujet est, je vous le rappelle, pas du tout partial...).


Un tramway, place du Lieutenant Aubert à Rouen. 1951.

Le mot « tramway » provient de l'anglais tram-way composé de tram (rail plat) et de way (voie, route).


La naissance du tramway 
 
Les premiers tramways sont apparus aux États-Unis durant la première moitié du 19ème siècle, ils sont alors tractés par des animaux, en général des chevaux. Ils circulent dès 1832 à New York, et en 1834 à La Nouvelle-Orléans. Le premier tramway en France est construit dans le département de la Loire sur la route entre Montrond-les-Bains et Montbrison. Long de 15 kilomètres, il est mis en service dès 1838.

Le tramway se développe alors dans de nombreuses villes d'Europe (Londres, Berlin, Paris, Milan, etc...).
La traction mécanique est rapidement développée : à vapeur dès 1873, à air comprimé (système Mékarski) et à eau surchauffée (système Francq) dès 1878, puis tramways électriques à partir de 1881 (présentation de la traction électrique par Siemens à l'exposition internationale d'Électricité de Paris).
La modernité technique que représente l'électricité facilite son adoption rapide, une fois que les difficultés liées à la production et au transport de l'électricité furent résolues. 

Le premier tramway électrique est mis en exploitation à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) en 1885, tandis qu'en Suisse, la première ligne (Vevey-Montreux-Château de Chillon), sur la Riviera vaudoise, est ouverte en 1888. En France, il circule pour la première fois à Clermont-Ferrand en 1890.


L'Âge d'Or du tramway

Le tramway connaît un essor considérable du début du 20ème siècle jusque dans la période de l'entre-deux-guerres, avec la multiplication des lignes et l'accroissement du nombre d'usagers : c'est alors le principal moyen de transport urbain, et il se développe même en zone inter-urbaine. En 1930, le tramway de Strasbourg comptait 234 km de lignes pour 170 000 habitants.

En Amérique du Nord, Montréal se distingue par l’avant-gardisme de la Compagnie des Tramways de Montréal, qui introduit de nombreuses innovations tant technologiques que concernant l'exploitation, comme les premiers tramways articulés et les premiers tramways panoramiques. À son apogée en 1933, le réseau de tramway montréalais atteignait 510 km.


L'abandon du tramway

Le développement de la vente de véhicules individuels entraîne la disparition rapide du tramway à partir des années 1940-1950. Les pouvoirs publics investissent alors surtout dans des infrastructures routières et autoroutières, destinées à une automobile désormais perçue comme "la marque du progrès".
(et en un sens, ils n'avaient pas tort : la voiture est un indéniable progrès en matière de pollution et d'embouteillages ; avant, à cheval, pour aller de l'Ouest de Paris à l'Est de Paris on mettait une heure et demie, et de nos jours avec la bagnole et les bouchons on met une heure et demie : bref, le progrès...)

La priorité donnée aux aménagements routiers est illustrée par les propos de Georges Pompidou qui déclare en 1971 que « la ville doit s'adapter à la voiture ». (et une ville adaptée aux êtres humains, ça vous intéresse pas ? Hein ? Non mais je dis ça, je dis rien...)
Les réseaux de tramways ne sont plus entretenus ni modernisés, ce qui achève de les discréditer aux yeux du public. Les anciennes lignes, considérées comme « archaïques », sont alors peu à peu détruites.

Les réseaux de tramways disparaissent presque totalement d'Amérique du Nord, de France, de Suisse romande, des îles Britanniques et d'Espagne.
En revanche, ils sont maintenus – et dans certains cas modernisés – en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas, en Scandinavie, en Suisse alémanique, au Japon et dans toute l'Europe de l'Est.
En France et en Suisse romande, seuls les réseaux de Lille, de Saint-Étienne, de Marseille, de Genève et de Neuchâtel survivent à cette période, mais ils sont réduits chacun à une ligne unique.
Au Canada, seule la ville de Toronto garde son réseau de tramways au centre-ville, à la suite de pressions des citoyens.


La renaissance du tramway

Le choc pétrolier de 1973 et les problèmes croissants de congestion urbaine entraînent, en France et ailleurs, une réorientation des politiques de transport vers les transports publics de masse.
Tandis que le métro est privilégié à Lyon et Marseille qui l’inaugurent en 1978, le renouveau du tramway en France intervient avec le concours lancé par le secrétaire d'État Marcel Cavaillé en 1975.
Il s'agit alors d'un concours pour définir le futur tramway standard français devant équiper huit villes : Bordeaux, Grenoble, Nancy, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse. L'industrie française ne se mobilise pas beaucoup pour ce concours reprenant des principes alors considérés comme « vieillots ». C'est Alsthom (aujourd'hui Alstom) qui est retenu et il est alors demandé à 8 villes d'étudier l'implantation du tramway. Nantes ne faisait pas partie du panel ministériel, mais elle se porte alors spontanément candidate.

Le projet est mené à son terme mais non sans heurts : il faut non seulement vaincre le scepticisme de la population mais aussi les retournements politiques. Nantes est néanmoins la première ville française à se doter d’un tramway moderne en 1985.
Le tramway de Grenoble inauguré en 1988 apporte comme innovation majeure le plancher bas à 350 mm du plan de roulement sur une importante partie de la rame, rendant ce mode de transport plus accessible aux personnes handicapées, aux poussettes etc... que celui de Nantes (comportant des marches), sans la nécessité de recourir aux quais hauts (cette dernière solution étant préférée en Amérique du Nord).
Ce matériel inaugure le tramway français standard qui est ensuite repris à Rouen en 1994 pour son Métrobus puis sur la Ligne 1 du tramway d'Île-de-France. Grenoble est également la première ville française à coupler la mise en place du tramway avec un projet global de requalification urbaine.

À Paris et en banlieue, le tramway d'Île-de-France avait un important réseau entre 1855 et 1938, et à Versailles jusqu'en 1957.
La première ligne ré-ouverte dans la région est la ligne 1 reliant Saint-Denis et Bobigny en Seine-Saint-Denis en 1992 ; suivront l'ouverture de 3 autres lignes dans le courant des décennies 1990 et 2000. Le début des années 2010 voit d'importants travaux qui mènent à des lignes de tramway complétant le tour de la ville d'Ouest en Est, par le Sud.

Strasbourg couple également tramway, requalification urbaine globale, et remise en cause de la place accordée à l’automobile en ville. Son tramway, inauguré en 1994, offre de larges baies vitrées, et roule sur un tapis d’herbe. Il est le premier à introduire un matériel à plancher bas intégral, ce qui en fait un mode de transport totalement accessible aux personnes en fauteuil roulant, contrairement à tous les  autres modes de transport public (métro, train, bus...).


L'histoire du tramway en France, vue par le ministère du Développement Durable

Je vous la mets (l'histoire, hein, petits canaillous) parce qu'elle est intéressante à plusieurs niveaux.

D'une part parce que, comme vous allez le constater en la lisant ci-dessous, cette histoire du tramway en France vue par le ministère du Développement Durable est bien plus une ode à la décentralisation qu'autre chose. Et forcément, quand on sait le monstrueux caca qu'est la décentralisation ("gérez localement comme vous voulez !" youpiiii ! "mais débrouillez-vous pour les financements !" ah meeeerde...), ça fait bien rigoler. Ça fait rire jaune bon d'accord, mais ça fait marrer quand même. Et par les temps qui courent, rire, même jaune, est un luxe dont on aurait bien tort de se priver.

D'autre part parce que le ministère reconnait - un tant soit peu - les erreurs passées (l'aménagement des villes exclusivement pour les voitures et la destruction du réseau de tramways), et c'est teeeeeellement rare que les politiques reconnaissent leurs erreurs que l'effort mérite d'être salué.
Clap clap. Voilà c'est fait.

Et maintenant, place à cette rocambolesque (més)aventure du tramway en quelques captures d'écran.
Pour lire le dossier complet scribouillé par Le-Ministère-Du-Développement-Durable-Mais-Pas-Trop (voir ici, et , et là aussi, et par là, et encore un peu par ici), cliquez juste là.



---
"L'économie, qui est la science sociale mathématiquement la plus avancée, est la science socialement la plus arriérée, car elle s'est abstraite des conditions sociales, historiques, politiques, psychologiques, écologiques inséparables des activités économiques."
Edgar Morin, Les Sept Savoirs nécessaires à l'éducation du futur

2 commentaires:

  1. Gnah, ça me rappelle mes cours en fac tout ça...

    Petit aparté sur ta "dent" contre les autres modes de transport. Comme tu l'expliques dans ton article, le tramway est finalement le mode de transport le plus récent qui a été réintroduit en France (si j'exclue les bus à haut niveau de service), ce qui explique que les tramways sont quasiment tous accessibles aux PMR. Pour Nantes, le matériel roulant avec des marches est retiré progressivement.
    Concernant la décentralisation, il est vrai que les ressources transférées aux Collectivités n'étaient et ne sont pas à la hauteur des besoins. Toutefois, au niveau des transports, il y a quand même eu de bonnes choses. La plupart des Régions, par exemple, ont remplacé les vieux tacos que faisait circuler l’État sur les liaisons TER. Certaines agglomérations que tu cites (Nantes, Grenoble, Strasbourg...) s'investissent sur les transports collectifs depuis plus de 20 ans et sont de vrais modèles en la matière. Honnêtement je doute que tout cela aurait pu se faire avec la centralisation des années 50-60, vu l'attachement encore important de l’État pour l'industrie automobile...

    RépondreSupprimer
  2. "Certaines agglomérations que tu cites (Nantes, Grenoble, Strasbourg...) s'investissent sur les transports collectifs depuis plus de 20 ans et sont de vrais modèles en la matière. Honnêtement je doute que tout cela aurait pu se faire avec la centralisation des années 50-60, vu l'attachement encore important de l’État pour l'industrie automobile..."
    => On est tout à fait d'accord là-dessus ;) Mon ire à l'égard de la décentralisation va de paire avec le manque de moyens alloués, je ne voue pas de culte à la centralisation (sauf si c'est moi le chef évidemment :D)

    RépondreSupprimer

Vous pouvez laisser un message, Hermès transmettra :